Caroline Schalenbourg

Il y a des trajectoires qui ne trompent pas : d’une ferme précurseur du circuit court à la présidence d’Accueil Champêtre en Wallonie, il n’y a qu’un pas et le chemin est logique… Mais pas pour autant rectiligne ! Caroline Schalenbourg est arrivée à la tête d’Accueil Champêtre en Wallonie avec des idées plein la tête, des projets plein les bras et une incroyable expérience dans cette diversification qui s’écrit toujours plus au pluriel. Car quand on ne voulait pas être fermière mais qu’on finit agricultrice, c’est forcément qu’on a fait bouger les lignes. Portrait.

Quand nous rencontrons Caroline Schalenbourg, entre une réunion au bureau d’Accueil Champêtre en Wallonie à Gembloux et son retour à Donceel pour s’occuper de sa ferme, ce n’est pas simplement une jeune femme de 40 ans que nous rencontrons, c’est une jeune femme avec 40 ans d’expérience dans les domaines agricoles, des circuits courts et de la diversification rurale que nous rencontrons. Car avant de devenir Présidente de l’ASBL Accueil Champêtre en Wallonie, Caroline est un des deux visages de la Ferme Schalenbourg Filles.

Une exploitation tenue par deux femmes ? Précurseur dans l’âme vous a-t-on dit !

Une présidente « convaincue d’origine par la diversification »

Retour en arrière : c’est en 1981 que Caroline Schalenbourg pousse ses premiers cris au sein de l’exploitation agricole de ses parents : la Ferme Schalenbourg. Premiers cris, premiers jeux, premières découvertes du monde rural et de ses fermes, premiers aperçus de ce qu’on appellera bientôt la diversification, le circuit court ou le commerce de proximité. La Ferme Schalenbourg a toujours été une ferme diversifiée : on y vendait ce qu’on produisait et il était normal de voir des clients passer le portail pour venir y acheter des œufs ou d’autres produits fraîchement sortis de terre. C’est cet aspect de l’agriculture qui tape dans l’œil de Caroline, qui la séduit. C’est sûr ! Elle travaillera elle aussi dans le monde agricole… Mais surtout pas comme fermière. Et pourquoi pas dans le commerce ou la représentation ? Rester à la ferme mais pas trop près, s’en éloigner mais pas trop loin, voilà le projet d’une jeune agricultrice en herbe foncièrement attachée au monde agricole.

Pourtant, après des études d’agronomie à l’ISI Huy, Caroline décide d’accompagner ses parents dans l’aventure d’une ferme devenue ferme pédagogique. Une seule diversification n’était pas assez pour la future Présidente d’ACW : la Ferme Schalenbourg passe d’une ferme d’élevage et de cultures à une ferme multidiversifiée et intègre du même coup le réseau de la diversification wallonne, celui d’Accueil Champêtre en Wallonie. Monique Schalenbourg, la maman, prend alors place au sein du Conseil d’Administration pour y partager son expérience. Une place qui, ici aussi, va devenir une histoire de famille… Chez les Schalenbourg, la diversification, on a ça dans le sang !

Quelques années plus tard, alors que cette future présidente vient de souffler les bougies de son trentième anniversaire, le nom de la ferme s’étoffe quelque peu avec la reprise de l’exploitation par Caroline et Cécile, les deux sœurs agricultrices. Un ajout très simple mais tellement important : un modeste mot au nom sur le portail… La ferme Schalenbourg n’est plus, vive la ferme Schalenbourg Filles ! Tout un symbole pour cette agriculture qui se réinvente, se redécouvre et se repense pour mieux en transformer les règles du jeu. La ferme multidiversifiée se diversifie encore un peu plus avec l’ouverture d’une bergerie et d’une boucherie à la ferme, en plus des autres projets entamés hors des murs de l’exploitation. Et tant qu’à faire une reprise, autant tout reprendre : la place au sein du CA d’Accueil Champêtre en Wallonie passe aux mains de Caroline. Les Schalenbourg et la diversification, c’est vraiment une histoire de famille.

Changement de décennie, quelques bougies sont rajoutées sur les gâteaux d’anniversaire et voici que Caroline Schalenbourg devient Présidente d’Accueil Champêtre en Wallonie, reprenant le flambeau à Vincent Sépult, un Président félicité comme il se doit lors de l’édition 2022 de la Foire de Libramont devant un parterre de ministres, de partenaires et d’anciens responsables de l’ASBL. Les présidents partent, les idées restent et l’étoile de la diversification brille toujours plus !

« Se diversifier pour faire face aux crises car la pression financière vient de ce qu’on ne maîtrise pas »

C’est avec optimisme et sérénité que Caroline Schalenbourg nous parle de ses nouvelles fonctions. De par son vécu, elle est profondément convaincue de l’importance de la diversification. De par son expérience, elle sait comment faire avancer la barque de l’accueil rural et agricole dans la bonne direction. La clé, nous dit-elle, est d’être bien entouré et c’est le cas chez ACW, ce qu’elle rappellera d’ailleurs dans son discours de Libramont. Caroline Schalenbourg fonctionne à l’humain, elle travaille à la confiance, elle avance mieux quand elle est en équipe et sait qu’elle va pouvoir le faire en toute sérénité.

Quand on évoque ce monde agricole qui lui tient tant à cœur, elle se montre là aussi optimiste pour l’avenir. « Ma génération représente la génération des plus grandes difficultés, nous explique-t-elle, entre les crises et les changements brutaux que nous avons connus. Être agriculteur est devenu si complexe, avec des charges administratives bien trop lourdes, les crises financières et un agri-bashing trop important. Mais la relève reste là. S’ils arrivent à gérer les bons outils au bon moment, ça ira. Les jeunes ont une longueur d’avance sur nous, ils seront peut-être plus malins que nous l’avons été. » Et de poursuivre sur la place que va certainement prendre la diversification et l’accueil rural dans les années à venir. C’est, selon elle, une des clés pour de meilleurs lendemains. « Plus on va ouvrir nos portes, plus on va accueillir du public et mieux se portera l’agriculture ». Cette évolution s’inscrit naturellement dans l’ADN des agriculteurs : « L’agriculture a toujours dû s’adapter. S’adapter au climat, s’adapter au(x) marché(s), s’adapter à la société. C’est une des forces de l’agriculteur : il sait s’adapter même dans la contrainte. Notre génération sait s’adapter puissance 10 mais la génération suivante saura encore mieux le faire » nous dit-elle en souriant.

Et si la diversification telle qu’elle est défendue par ACW s’inscrit depuis toujours dans ces perspectives d’évolutions rurales et agricoles, Caroline Schalenbourg note néanmoins la difficulté que cela peut représenter pour certain·e·s : « C’est plus facile de fermer son porche que d’accueillir des gens. Tout le monde ne saurait pas se diversifier, il faut une certaine ouverture d’esprit. D’ailleurs, pour que le secteur reste sain et que tout le monde trouve sa place, il faut savoir faire preuve d’innovation, regarder autrement et ne pas copier son voisin sans quoi il va y avoir trop de concurrence. C’est un autre critère limitant. » C’est aussi ça, la ruralité : un ensemble varié, une palette de couleur, un monde en mouvement où chacun trouve sa place avec ses envies, ses différences et ses spécificités.

Si son discours laisse une belle place à ce monde agricole qu’elle connaît si bien, elle n’oublie pas pour autant les ruraux, dont elle parle tout au long de la conversation. « Il n’y a pas de rural sans agriculteur et il n’y a pas d’agriculteur sans rural. Ce mélange de cultures est essentiel car cette relation est très saine. Ils sont les premiers consommateurs du circuit court agricole, les premiers ambassadeurs de la campagne. » Si Caroline Schalenbourg agricultrice, c’est la diversification à la ferme, Caroline Schalenbourg Présidente, c’est la diversité à la campagne !

« Le service aux membres doit être la priorité »

Quand elle évoque ses projets pour le futur de l’ASBL, Caroline Schalenbourg parle directement d’une ligne de conduite d’ouverture, de l’importance de l’innovation et d’une visée plus qualitative que quantitative. « Accueil Champêtre en Wallonie a et a toujours eu un rôle d’accompagnement essentiel aux mondes rural et agricole. Ces secteurs évoluent très fort et une ASBL comme ACW y a plus que jamais sa place. Cet accompagnement est quelque chose de très important, ne fût-ce que pour essayer de diminuer la charge administrative qui s’alourdit chaque année. » Un point important pour celle qui se sent déviée de son métier premier d’agricultrice à force de faire de l’administratif. « Ça en devient injuste » ajoute-t-elle, amère. Ce fut d’ailleurs une de ses remarques adressées aux ministres présents lors du drink de Libramont, en montrant l’exemple de la reconnaissance officielle des fermes pédagogiques « Une démarche évidemment positive mais qui est plutôt ressentie comme une charge administrative supplémentaire. Les fermes pédagogiques reconnues n’ont actuellement ni aide financière ni promotion spécifique par la Région. Aucun contrôle, aucune sanction pour l’utilisation abusive de la dénomination n’est à mettre en avant par la Région. Seule reste donc la charge administrative supplémentaire. » Message passé : prière de laisser fichiers Excel et rapports écrits au passé.

Concernant le futur d’Accueil Champêtre en Wallonie, Caroline Schalenbourg entend stabiliser l’outil ACW pour mieux aider les secteurs de la diversification. Au programme : trouver des financements, chercher des projets porteurs, créer des partenariats sans aller dans toutes les directions. Un projet de niche doit avant tout servir au plus grand nombre et le service aux membres doit être la priorité de l’ASBL. Et d’ajouter « On ne peut pas accompagner n’importe quel projet, on doit rester un réseau de qualité ». Et si elle se pose la question de la diversification des grosses exploitations, elle mise surtout sur celle des fermes familiales. Car, pour l’avoir vécu en première ligne, c’est cette diversification qui peut permettre aux petites exploitations wallonnes de tenir le coup face aux crises et face au(x) marché(s), mais toujours au service de la ruralité. Paroles de précurseur, paroles d’agricultrice, paroles de femme d’idées… Mais surtout paroles d’une Présidente qui ne voulait pas être fermière et a fini par transformer son exploitation à son image pour y créer son agriculture.