
Prenez une ferme, un espace champêtre ou un espace de soins en plein air, garnissez le d’animaux affectueux et sensibles, mélangez le tout et vous obtiendrez un lieu de ressourcement parfait pour nombre de personnes en difficultés sociales, familiales ou de santé. La médiation animale, c’est cette pratique visant au mieux-être des gens au travers du contact avec les animaux. Et lorsqu’on la mêle à l’agriculture, on peut obtenir un cocktail étonnant et détonnant de bien-être et d’évolution personnelle. Tour d’horizon de la situation en Wallonie et en France lors de la journée d’échanges « Médiation animale à la ferme » organisée par Accueil Champêtre en Wallonie en décembre 2019.
« L’animal ne juge pas, il ne s’intéresse pas au passé de la personne ou à son physique, il est là pour créer du lien » explique Elvire Bonfils. Une agricultrice qui sait de quoi elle parle, elle qui, outre ses activités à la ferme, est intervenante en médiation animale et bientôt éducatrice spécialisée. Sa ferme, c’est la Ferme d’A’Yaaz, un lieu hors norme en Belgique, doux mélange champêtre de logements insolites, de ferme pédagogique et, donc, de médiation animale. Car avec Sam, Zeb, Nuage et tous les autres animaux de la ferme, Elvire s’occupe de faire (re)découvrir la vie à la campagne à ceux qui n’en ont pas accès, comme les écoles de la ville, ou à ceux qui ont besoin de s’y trouver et de s’y retrouver, lors d’accueils à la ferme assistés par animaux ou de déplacements « de la ferme » au sein des institutions d’aide.
On parle alors de médiation animale, une méthode importée du Canada et centrée sur l’animal, comme vecteur de mieux-être, comme compagnon, comme « assistant » … Il ne s’agit pas d’une thérapie à proprement parler (le terme de thérapie étant d’ailleurs protégé en Belgique) mais de « rencontres » à finalités préventives et thérapeutiques. On se sent mieux au contact des animaux, et c’est tout ce qui importe.

De l’importance de la formation
Puisque la médiation animale met en rapport l’homme et l’animal, il est normal que l’intervenant·e soit formé et que son camarade à poils ou à plumes soit soigneusement choisi pour cette médiation. Concernant l’animal, étant donné qu’il n’y a pas de lien entre la pathologie et le choix de l’animal, c’est son caractère adapté qui va primer dans son rôle de médiateur à la ferme et non pas son espèce ou sa race.
L’intervenant·e a lui pour rôle de choisir les bons animaux, les plus indiqués dans la démarche de mieux-être, mais aussi de les connaître, d’en assurer le bien-être au quotidien et leur sécurité pour pouvoir créer ce lien de confiance nécessaire à leur rôle de médiateur.
De plus, les bienfaits physiologiques et psychiques de la médiation par l’animal n’étant pas encore assez reconnus (tout du moins de manière officielle), il est bon pour l’accompagnateur de légitimer son intervention en étant formé et/ou diplômé (en zoothérapie – terme non reconnu en Belgique -, comme éducateur spécialisé, etc).
Le cas français
Avec plus de 20 ans d’expérience dans le domaine de la médiation animale, la France peut servir d’exemple pour notre région. C’est de ce vécu qu’ont discuté, lors de cette journée d’échanges, Dominique Griffaton, conseillère Agritourisme et animatrice du programme « Bienvenue à la ferme » pour la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle et quatre agricultrices et agriculteurs témoins pratiquant la médiation animale en France, Sandrine Dartoy, Benoît Denis, Pascale Drouville et Marie-Christine Revemont.
Il y a, chez nos voisins d’outre-Quiévrain, une forte demande des secteurs sociaux et de santé pour des accueils à la ferme. On y considère qu’une exploitation agricole et son cadre champêtre sont des environnements porteurs en matière de mieux-être des personnes fragilisées. On a donc tendance, en France, à favoriser les déplacements en milieu rural pour faire sortir les personnes de leurs institutions et profiter d’un dépaysement facile et à portée de toutes et tous. De plus, les agriculteurs et agricultrices témoins trouvent cela plus confortable d’accueillir chez eux plutôt que de se déplacer.

La France propose de réelles formations d’intervenants en médiation animale, via l’institut de zoothérapie Agatéa. Ces formations sont reconnues comme telles par les institutions sociales ou de santé, légitimant ainsi l’intervention des agriculteurs. Notons qu’Elvire Bonfils a aussi suivi cette formation.
Comme en Belgique, les publics visés sont très diversifiés, allant des enfants et adolescents avec des troubles comportementaux aux personnes souffrant d’Alzheimer en passant par des jeunes déscolarisés, des handicapés adultes ou des classes spécialisées.
L’activité de médiation animale est, en France, identifiée comme une diversification agricole en agri-tourisme, avec les taxations et subsides que cela peut englober.
Néanmoins, comme en Belgique, la question de la juste rémunération et de la rentabilité se pose toujours. Entre la préparation, l’accueil, l’entretien et le rangement, le tarif (moyen) de 70€ par séance de groupe n’est pas suffisant. De plus, et bien que l’expérience française soit bien plus longue et probante qu’en Belgique, le besoin de légitimation est toujours bien présent.
« Changer le regard des gens »
Mireille Fourile est atteinte de la sclérose en plaques. Cette ex-femme d’agriculteur a travaillé dans une ferme laitière pendant des années, jusqu’à ce que la vie et la maladie la rattrapent. Si elle ne travaille plus en milieu agricole, elle le fréquente toujours énormément puisqu’elle bénéficie aujourd’hui de séances régulières d’équithérapie qui lui sont extrêmement bénéfiques. Mieux, la médiation animale est une réponse aux problèmes qu’elle rencontre. « Par l’animal, on sait faire énormément de choses. Même si on ne le connaît pas, il nous fait du bien. Je ne peux pas l’expliquer mais il se passe quelque chose… Même physiquement, j’arrive aujourd’hui à me tenir seule sur le cheval sans avoir de pertes d’équilibre, ce qui était impensable au début ! ». Cette expérience, cette aventure, elle tient à en faire profiter un maximum de monde, qu’il s’agisse de personnes atteintes de la sclérose en plaques ou d’autres maladies telles que la myopathie.
L’autre grand intérêt que voit cette battante dans la médiation animale se trouve dans le regard des autres. Il change dès lors que l’on est accompagné d’un cheval, d’un poney, d’un chien… Comme quoi tout le monde bénéficie de la médiation animale, même les personnes extérieures !

A’Yaaz, la ferme aux mille visages
À un jet de pierre du Grand-Duché du Luxembourg se trouve la Ferme d’A’Yaaz, une exploitation agro-touristique où les alpagas gambadent à côté d’une maison de trolls, où les chevaux gardent un tipi et où petits et grands (re)découvrent le contact avec la nature.
Car la ferme d’A’Yaaz est un concept en soi : un lieu d’apprentissage et de ressourcement couplé avec des hébergements touristiques de terroir. Du gîte à la roulotte en passant par le cabanon ou le chalet, l’insolite est ici roi et le visiteur y vient pour chercher le dépaysement près de chez soi.
D’autres visiteurs préfèrent troquer la valise contre le cartable le temps d’une visite, ceux qui viennent découvrir la ferme pédagogique d’A’Yaaz. Entre les activités champêtres, les jeux et la découverte de la ribambelle d’animaux résidants là-bas – alpagas, chevaux, ânes, vaches, lapins, chiens, gerbilles – les activités sont innombrables et les sourires toujours au rendez-vous.
Troisième pan du triptyque d’A’Yaaz, la médiation animale s’y pratique sur place ou à l’extérieur, Elvire Bonfils emmenant ses animaux avec elle lorsque des groupes ne peuvent se rendre à la ferme. Des animaux dont la pédagogie et le mieux-être sont la tâche principale, ceux-ci n’étant pas destinés à la production primaire.
L’agriculture sociale
L’agriculture sociale est pratiquée par des fermes ou des structures rurales en lien avec l’agriculture et la nature. Celles-ci utilisent leur cadre et ressources pour diversifier leurs activités dans l’accueil de personnes qui vivent des difficultés sociales, familiales ou de santé dans le but d’améliorer le bien-être de ces personnes. Chaque accueil est réalisé en partenariat avec la structure sociale ou de santé qui les accompagne.
Pendant l’accueil à la ferme, la personne accueillie participe aux tâches manuelles utiles au quotidien, en fonction de la capacité de chacun, même pour des mains novices: pailler, nourrir, biberonner, brosser les animaux, semer, récolter les fruits et légumes, planter, préparer la soupe, arroser les fleurs, remplir des pots de yaourts, étiqueter, emballer le beurre, … Des activités qui paraissent ordinaires et qui sont pourtant sources de valorisation pour un bon nombre de personnes !
En Wallonie, les projets se multiplient, dont un réseau d’agriculture sociale mis sur pied par Accueil Champêtre en Wallonie et la Coopérative CERA ! Les premières graines de l’Agriculture sociale ont déjà été plantées, ses pousses sont diverses et variées et prêtent à éclore, comme le prouve encore cette journée d’échanges et de découvertes !
En savoir plus sur la médiation animale à la ferme
Pour le projet « Agriculture et social : une alliance qui a du sens » (BE) : https://accueilchampetre-pro.be/accueil-social/
Pour le projet « Bienvenue à la Ferme » (FR) : https://www.bienvenue-a-la-ferme.com/
Pour la Ferme d’A’Yaaz : https://www.lafermedayaaz.be/
Photos : Lorraine Guilleaume (ACWS)/Eric Bertemes (CCR Cera Luxembourg)
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