
Accord Mercosur : l’agriculture européenne ne fait pas le poids
En plaçant l’agriculture dans la balance de l’accord Mercosur, l’Union Européenne risque de catapulter au loin un secteur déjà fragilisé au nom du profit d’industries bien plus rentables. S’il est ratifié par les différents états et institutions dirigeantes, cet accord pourrait bien sonner le glas d’un monde agricole déjà fissuré par les différentes crises passées.
L’Union européenne a signé, ce vendredi 28 juin 2019, un accord commercial d’envergure avec le Mercosur, le marché sud-américain englobant le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. Ce deal est largement décrié car il pourrait sonner le glas d’une agriculture européenne bien plus encadrée que sa cousine transatlantique. Et pour cause, cet accord prévoit un abaissement des droits de douane européens sur les importations de viande de bœufs, de volailles, de sucre et d’éthanol. En contrepartie, les états sud-américains ouvrent grand leurs portes aux voitures, pièces détachées, produits pharmaceutiques et autres équipements industriels du vieux continent.
Si le texte est validé, ce ne sont pas moins de 99 000 tonnes de bœufs, 180 000 tonnes de sucre et 100 000 tonnes de volailles qui investiraient un secteur européen déjà suffoquant et sous perfusion constante – celui de l’élevage et de l’agriculture. Ainsi, en Belgique, le cheptel bovin a diminué de 18% entre 2000 et 2016 tandis que le secteur agricole global du plat pays a diminué de 68% entre 1980 et 2017[1].
En plus de la problématique agricole européenne globale s’impose celle du contrôle et de la législation des pays membres de l’Union. L’agriculture y est bien plus contrôlée et surveillée qu’en Amérique du Sud où, par exemple, l’utilisation d’OGM est légion (le Brésil est un des principaux producteurs de cultures génétiquement modifiées, suivi de peu par l’Argentine). De plus, le syndicat agricole français FNSEA indique que pas moins de 74% des produits phytosanitaires utilisés au Brésil sont interdits en Europe[2]. Face à cela, la production belge et européenne doit répondre à des critères qualitatifs d’excellence dans bien des domaines (productions, suivis, traitements, transformations, bien-être animal…). Si l’on ajoute à ces critères les coûts différents entre les deux continents (coûts de production, mains d’œuvre,…), on comprend que, d’un point de vue financier pur, la production européenne est à la peine face à l’Amérique du Sud, d’où la crainte pour beaucoup d’observateurs de concurrences déloyales.

Pour les consommateurs, le problème pourrait ne pas simplement avoir des répercussions sur le choix d’une viande meilleure marché. Celles-ci ont de grandes chances de finir dans les produits transformés, et donc d’entrer plus sournoisement dans l’assiette des Européens.
Enfin, et alors que de plus en plus de consommateurs réclament des produits locaux, voire des produits issus de l’agriculture biologique, faire traverser l’océan à des productions sud-américaines est une bizarrerie dictée uniquement selon des critères financiers, en plus d’augmenter la pression sur l’écosystème amazonien[2].
Notons finalement que cet accord, pour être validé, doit encore être accepté par les différents parlement nationaux (européens comme américains) ainsi que par le parlement européen. Wait and see donc, comme disent les anglophones : les jeux ne sont pas (encore) fait mais le secteur agricole, qu’il soit wallon, belge ou européen, est prévenu : dans la balance financière mondiale, nos agriculteurs ne pèsent décidément pas lourd.
[3] Selon les chiffres de la Fédération belge du commerce de bétail et de viande
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