Quand on pense à la Tunisie, on pense à ses plages de sable fin, à son soleil, à son climat ou à ces odeurs d’épices parsemant ses souks et ses marchés… Pas vraiment l’image idyllique de cette bonne vieille Wallonie… Et pourtant ! Et pourtant, les chiffres du tourisme wallon, en 2018, sont supérieurs aux chiffres du tourisme tunisien. L’offre wallonne est plus diversifiée que l’offre tunisienne, mieux structurée et possède une meilleure répartition territoriale. De quoi donner des idées au secteur touristique de ce pays du Maghreb ? Et si l’aigle tunisien se voyait bien marcher sur les traces du coq wallon ? Décryptage.

La Tunisie fait partie de ces pays au (très) fort potentiel touristique : 1300 km de plages paradisiaques, un climat méditerranéen accueillant, un patrimoine culturel fort et une promesse : le dépaysement total. Le tourisme a même été, pendant de nombreuses années, un moteur de l’économie du pays. Un constat écrit au passé car cette dernière décennie a laissé ce secteur exsangue à la fois de rentrées et de touristes, la faute à l’instabilité chronique du pays suite à la révolution de 2011 et au terrorisme visant précisément le secteur touristique.

Néanmoins, après presque 10 années en berne, le tourisme tunisien relève petit à petit la tête, avec des recettes 2018 en hausse de 41% (!) par rapport à l’année précédente. Les prévisions futures sont bonnes, avec l’objectif des 10 millions de touristes placé pour 2020.

En comparaison, la Wallonie a attiré plus de 10 000 000 de visiteurs en 2017 (belges et étrangers) et le secteur touristique pèse pour 6.12% du PIB de la région. Pour ce faire, loin des plages paradisiaques et du soleil promis par la Tunisie, la Wallonie s’appuie sur ses propres forces : la culture, la nature et la diversité de son territoire. Ici, avec des trajets relativement courts, le visiteur peut faire du tourisme de mémoire à Bastogne, se prélasser dans le cadre urbain de Liège, profiter des attractions de Pairi Daiza, dans le Hainaut, faire du vélo dans les Ardennes namuroise ou découvrir le patrimoine du Brabant wallon, entre Waterloo et Villers-la-Ville. La Wallonie regorge de richesses et de merveilles pour quiconque prend le temps de la découvrir.

En une phrase comme en cent, là où la Tunisie profite majoritairement d’un tourisme de masse dans ses attractions côtières, la Wallonie a su se réinventer à chaque coin de rue et propose une offre aussi variée que multiple, entre villes, forêts, attractions et campagnes.

    Agrotourisme et accueil rural en Tunisie

Si la Wallonie fait bonne figure touristiquement parlant, c’est justement parce qu’elle ne s’appuie pas que sur une offre qui se limiterait à deux ou trois mastodontes de l’accueil. Surtout, son tourisme ne se limite pas qu’à une seule région : il est multiple tant dans sa variété que dans sa géographie. Ainsi, si les Ardennes luxembourgeoises restent la tête de pont du secteur, c’est avec la province de Liège dans sa roue, le Namurois juste derrière, le Hainaut bien placé dans le peloton et le Brabant toujours bien accroché. La Wallonie peut donc s’enorgueillir d’une offre attrayante dans chaque partie de son territoire.

C’est, entre autres, cette diversité qui a poussé les Tunisiens à s’intéresser au cas wallon. Dans le but de développer l’agritourisme, des représentants de l’agriculture biologique et du tourisme tunisien ont rencontré différentes structures du sud de la Belgique, dont Accueil Champêtre en Wallonie. Et le constat est assez vite tombé : le potentiel (agro)touristique tunisien est énorme et bénéficie d’un cadre exceptionnel mais les conditions nécessaires à son épanouissement ne sont pas encore présentes ou bien connues (législation, structuration…) ! La Tunisie possède ce que la Wallonie avait il y a une quarantaine d’années : des pionniers indépendants œuvrant pour l’agrotourisme national et régional mais pas encore de structures ou de politiques adaptés.

Sur les traces du coq wallon

Grâce à son expérience dans le domaine de l’agrotourisme, Accueil Champêtre en Wallonie a participé à ces échanges et soutient BIOTED, le projet sectoriel tunisien. Plusieurs phases et fiches-projets ont été créées pour développer une coupole nationale à venir, des projets pilotes et une formation adaptée au terrain. Avec des régions aussi différentes que des plateaux montagneux, des terres arides, des déserts et des paysages champêtres, la Tunisie peut diversifier de manière exponentielle son offre en s’appuyant sur les indépendants et les agriculteurs vivant là. Comme ici, l’envie de s’ouvrir et le besoin de s’affranchir des fluctuations du marché mondial guident la démarche. Là comme partout, le secteur agricole a vécu des jours meilleurs et pourrait trouver dans cette nouvelle offre non seulement une source de revenu mais surtout une nouvelle motivation et de belles possibilités d’évolution.

Un important travail reste néanmoins à faire concernant la législation, encore floue et méconnue des intéressés, tout comme en termes de formations, qu’elles concernent la conception des projets, leurs aspects économiques, écologiques, commerciaux… Enfin, et c’est peut-être le principal frein actuel, le besoin d’une structure chapeautant le tourisme rural et l’agritourisme de manière inter-régionale est criant. Une structure qui, à la manière d’Accueil Champêtre en Wallonie, en plus d’être un véritable soutien aux initiatives privées, pourrait aussi être l’intermédiaire privilégié entre les indépendants sur le terrain et les politiques nationales.

La Wallonie, avec sa variété d’attractions, ses multiples structures encadrantes, son offre touristique et ses possibilités de diversifications rurales et agricoles infinies (entre hébergements touristiques de terroir, ses transformations et commercialisations de productions locales, ses accueils différenciés – entre pédagogie, social et récréatif –, ses productions d’énergies, ses services aux tiers ou encore ses innovations constantes), fait plus que figure de bon élève : pour certains, elle fait carrément figure de modèle ! Bien que des différences évidentes existent entre les deux pays, ne fut-ce qu’en termes de pratiques touristiques – le Tunisien misant habituellement davantage sur l’offre de service -, le cadre instauré en Wallonie, son approche du tourisme ainsi que les latitudes laissées aux propriétaires dans leurs diversifications ont de quoi faire rêver plus d’un agriculteur.

Vincent Sepult, président d’Accueil Champêtre en Wallonie, en visite en Tunisie

Oubliez les oiseaux de mauvais augures, l’aigle tunisien est bien sur les traces du coq wallon !

Retrouvez le récit de cette aventure dans l’article de Sophie Devillers pour La Libre Belgique